Louverture économique
Un rapprochement économique et commercial avec lOuest
Spécialisés sous le CAEM dans la fourniture de machines et déquipements, les PECO sont parvenus après 1991 à diversifier sensiblement leurs exportations. En dépit davantages en termes de coût de main-duvre, leurs exportations concernent peu les produits fortement utilisateurs de main-duvre, si ce nest pour les activités de perfectionnement. Les PECO tendent désormais à exporter du bois, des textiles, certains produits alimentaires et des animaux vivants ainsi que des produits chimiques, des produits semi-transformés et des articles manufacturés simples. Les importations se concentrent sur ces mêmes postes mais également sur des biens de consommation et de production courants ou à forte valeur ajoutée, ce qui conduit à de lourds déficits des balances commerciales.
Dune manière générale, les PECO se sont mutuellement tourné le dos pour orienter leurs échanges vers les pays de lUnion européenne [1]. Les échanges retrouvent aujourdhui certaines de leurs caractéristiques davant la Deuxième Guerre mondiale : restreints au sein de lEurope centrale et orientale et fortement développés avec lEurope occidentale. Cette volonté de se réorienter vers lOuest et de négliger les anciens partenaires et notamment la Russie a été une erreur génératrice de conséquences graves pour nombre de PECO. Des pays tels que la Bulgarie ou la Roumanie ont vu leurs produits refoulés des marchés de lUnion européenne, mais ils ont également perdu une partie de leurs débouchés naturels à lEst, abandonnés par excès doptimisme sur leur capacité à intégrer lEurope économique.
Deuxième exportateur mondial, lAllemagne est loin le premier fournisseur en Europe centrale et orientale. Les Allemands bénéficient de la qualité reconnue de leurs produits, ainsi que de leur proximité géographique et de leurs liens historiques et culturels avec les PECO. Pour des raisons proches, lAutriche et, dans une moindre mesure, lItalie, sont également bien placées. La Russie reste quant à elle un partenaire commercial incontournable, dans le sens où elle continue dapprovisionner les PECO en matières premières et que certains PECO servent de pays de transit aux exportations de gaz et de pétrole russes. Dautre part, si lon tient compte de léconomie grise et des trafics divers, le commerce CEI/PECO est beaucoup plus important que les statistiques ne le laissent paraître. A titre dillustration, le bazar dans le stade de Varsovie, un des points commerciaux les plus importants de la capitale, sest littéralement vidé pendant la crise russe de lété 1998.
Le développement des organisations déchanges intra-zone
Le 15 février 1991, les dirigeants hongrois, tchécoslovaques et polonais se réunissent à linitiative du Premier ministre hongrois à Visegrad (Hongrie) et établissent une déclaration de coopération en vue davancer vers lintégration européenne.
Dans le prolongement, laccord de lEurope centrale de libre échange (ACELE) est signé le 21 décembre 1992 à Cracovie et entre en vigueur le 1er mars 1993. Il vise à léliminer progressivement les droits de douane sur les marchandises industrielles et sur une partie des produits agricoles pour parvenir à des échanges quasi-libéralisés depuis le 1er janvier 2001. Au départ simple organisme visant à préparer les pays dEurope centrale à intégrer lUnion européenne, lACELE est devenue une institution à part entière fédérant les échanges au sein de toute lEurope centrale et orientale. Après un début marqué par la résurgence de réflexes protectionnistes, cette organisation a permis daugmenter significativement le commerce intra-zone. Les trois membres fondateurs du « Triangle de Visegrad », devenus quatre à la partition de la Tchécoslovaquie, ont ensuite accueilli au sein de lorganisation la Slovénie en 1996, la Roumanie en 1997 et la Bulgarie en 1999.
Dautres accords, moins structurés que lACELE, ont essaimé afin de fournir des substituts aux marchés perdus de lex-CAEM. Deux dentre eux sont strictement européens : la zone de libre-échange de la Baltique et la zone de coopération économique de la mer Noire.
Figure 1b. Les unions régionales en Europe centrale et orientale
La recherche de capitaux étrangers
En 2001, les pays dEurope centrale et orientale ont attiré un peu plus de 20 milliards de dollars de capitaux étrangers à long terme, soit environ 2 % environ du total mondial [2]. Si lon rapporte ce montant au PIB de la région, les PECO apparaissent comme la zone la plus prisée au monde par les investisseurs étrangers. Il faut dautre part ajouter que les montants investis sont en progression malgré le ralentissement de léconomie mondiale et quil sagit majoritairement dinvestissements dans des unités de production ou de commercialisation et non dinvestissements financiers comme par exemple en Amérique latine. Contrairement aux pays asiatiques dont labondance de la main-duvre rend propice la production de masse, les implantations en Europe centrale et orientale se basent sur la qualification des ressources humaines locales pour viser une production de qualité à moyenne ou forte valeur ajoutée. Les productions se limitent en général aux produits intermédiaires, ce qui permet à ces pays de sinsérer à lEurope de louest de manière complémentaire et non pas concurrente dans la division internationale du travail.
Traditionnellement, la Hongrie était le pays qui attirait le plus dinvestissements directs étrangers. Cependant, en 1997 et 1998, environ deux cinquièmes des IDE en Europe centrale et orientale ont concerné la Pologne, qui a ainsi ravi la première place à la Hongrie. Il convient également de noter une croissance des investissements vers les pays bordant les mers Caspienne et Baltique.
De la même manière que pour les exportations, lAllemagne arrive au premier rang des investisseurs dans les PECO. Les pays dEurope centrale servent d « ateliers » aux firmes allemandes, qui tendent désormais à substituer le terme « German quality » au traditionnel « Made in Germany ». Les firmes allemandes profitent notamment de la qualification et du coût de la main-duvre locale pour délocaliser à outrance, ce qui restaure leur compétitivité internationale, répond aux besoins de transferts de technologie des firmes locales et approvisionne des marchés intérieurs sous-servis. Les Américains jouent également un rôle de premier rang en Europe centrale et orientale, notamment en Pologne, en Croatie et dans les pays baltes. Davantage que les coûts de production, ce sont les marchés locaux et les positions stratégiques quils recherchent, aidés en cela par la popularité des symboles américains, de Coca-Cola à Hollywood, en passant par M. Albrigth [3].
Dans une moindre proportion, dautres pays européens possèdent des positions fortes dans certains PECO. Ainsi lAutriche suit-elle le modèle de son voisin teuton, en étant notamment très présente en Slovaquie et en Slovénie. De même, lItalie a su profiter de ses liens antérieurs à 1989 pour soctroyer des positions intéressantes dans les plus gros marchés des PECO, notamment en Pologne, République tchèque et Roumanie. La France, elle aussi bénéficiant de liens antérieurs à 1989, a rattrapé le retard quelle avait accumulé par rapport à ses principaux concurrents pour devenir depuis 2001 le premier investisseur en Pologne et en Roumanie. La France est cependant moins présente dans les autres pays dEurope centrale et surtout dans les Balkans et les pays baltes.
Certains pays prennent position dans les PECO par le biais de gros investissements, relativement isolés.
Les Japonais qui, à linstar des Français, nont pas cru au départ dans cette zone, se sont illustrés depuis la fin des années 1990 par des implantations de taille considérable, comme par exemple dans la ville polonaise de Tichy en 1998 où le constructeur de moteurs Isuzu a entrepris la fabrication dune usine pour un montant de 250 millions de dollars. Bien que davantage axées sur la CEI que sur les PECO, les implantations coréennes sont notables avec Daewoo, qui fut deuxième investisseur en Pologne avant ses difficultés à partir de lannée 2000, ainsi que Hyundai et Samsung. Les Néerlandais et les Suisses savèrent également actifs dans les PECO, notamment grâce à leurs multinationales Unilever et Shell [4] dune part, Nestlé et ABB [5] dautre part. Pour des raisons de proximité géographique et culturelle, les pays nordiques possèdent des positions dominantes dans les pays baltes, tandis que, de manière plus surprenante, la Belgique est lun des tout premiers investisseurs en Bulgarie [6]. Pour finir, il est important de mentionner la présence de la Russie, dont le dernier rapport de lUNCTAD (World investment report 2002) montre que seulement 5 à 10 % des investissements russes dans les PECO sont enregistrés, cette proportion variant selon les pays daccueil.
Tableau 1.3. Investissements directs dans les PECO
Pays |
Données cumulées jusqu'en 2001 (exclue) |
Investissements en 2001 |
Pologne |
45,2 |
6,9 |
Hongrie |
27,1 |
2,4 |
Russie |
16 |
2,5 |
République tchèque |
15,3 |
4,9 |
Roumanie |
5,3 |
1,1 |
Croatie |
5,3 |
1,5 |
Ukraine |
3,9 |
0,8 |
Slovénie |
3,4 |
0,5 |
Estonie |
2,1 |
1312 |
Lettonie |
1,9 |
760 |
Slovaquie |
1,7 |
320 |
Lituanie |
1,5 |
439 |
1,4 |
166 |
Source : UNECE, 2002
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[1] Cest ce que lon a appelé le « syndrome CAEM ».
[2] Source : World Investment Report, UNECE, 2002.
[3] Tchécoslovaque dorigine, lancienne Secrétaire dEtat aux Affaires étrangères des Etats-Unis dAmérique sest montrée davantage préoccupée par lEurope centrale et orientale que son prédécesseur W. Christopher.
[4] Ces deux firmes sont détenues par des capitaux mixtes néerlandais et britanniques. Les investissements britanniques dans les PECO sont en revanche limités en comparaison avec la place quoccupe la Grande-Bretagne dans le classement mondial des IDE.
[5] Géant de léquipement électrique à participation suisse et suédoise, Asea Brown Boveri axe lessentiel de son développement sur les pays dEurope centrale et orientale.
[6] Ceci ne résulte pas dune stratégie précise mais plutôt dune suite de rachats dentreprises bulgares par des firmes belges lors du processus de privatisation. Le géant chimique Solvay a notamment acquis Sodi en 1997, premier producteur de soude au monde et plus grande entreprise bulgare à ce jour à avoir été acquise par des capitaux étrangers.
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